18 février 2025

Il existe une loi tacite en Haïti, insidieuse mais omniprésente : la loi de l’arrogance. Une loi qui récompense non pas l’effort, le mérite ou la persévérance, mais bien l’attitude et l’apparat. Parfois, nous qualifions de « arrogantes » certaines personnes en raison de leur posture ou de leur discours, mais en vérité, l’arrogance est devenue, dans notre société, l’une des meilleures façons d’attirer l’attention ou de se faire remarquer.

J’ai moi-même, dans un récent éditorial, qualifié de « nuls » plusieurs catégories de la société, incluant celle à laquelle j’appartiens. Ce n’était pas un jugement gratuit, mais une introspection douloureuse. Pourquoi ? Parce que, malgré les efforts considérables que certains d’entre nous avons consentis, ces efforts restent méconnus, sous-estimés ou pire, ignorés. Pourtant, un petit groupe persiste, un cercle qui reconnaît encore une certaine valeur, mais ce n’est qu’une minorité noyée dans une masse indifférente ou fascinée par des illusions.

Un phénomène de déchéance sociale

Si ce comportement est si répandu, il mérite un nom. La loi de l’arrogance pourrit notre société, gangrène nos valeurs et détourne nos priorités. Avec l’avènement des réseaux sociaux, cette loi a trouvé un terreau fertile. Une nouvelle race de figures publiques, les influenceurs, s’est imposée, non pas par l’exemplarité ou la profondeur, mais par des attitudes parfois controversées, souvent creuses, et pourtant massivement applaudies. Ces comportements, bien loin d’inspirer des valeurs constructives, séduisent une large audience et redéfinissent les modèles à suivre.

Le paradoxe des valeurs sacrifiées

Imaginez un instant. Considérez le temps passé sur les bancs de l’école classique, les années investies dans des études supérieures, les sacrifices consentis pour apprendre un métier, les prêts contractés, les séparations familiales imposées, les humiliations subies. Tout cela pour, au final, être relégué à l’arrière-plan par des figures qui ont contourné toutes ces étapes. Ces influenceurs, propulsés par des algorithmes et des tendances éphémères, captent l’attention et dictent des comportements, là où ceux qui ont sué sang et eau devraient occuper la place d’inspiration et de leadership.

Arrogance ou abnégation ?

Cela nous amène à une réflexion brutale : ne vaudrait-il pas mieux être arrogant ? Si l’effort sincère et la compétence ne suffisent pas à obtenir la reconnaissance, peut-être que l’arrogance – cette posture qui impose le respect à défaut de l’inspiration – est la clé pour se faire entendre. Après tout, si la critique est inévitable, autant l’assumer avec panache.

Mais ce choix est un piège. L’arrogance, si elle peut conférer une visibilité temporaire, détruit les fondations mêmes d’une société saine. Une société ne se construit pas sur des postures, mais sur des valeurs. L’arrogance peut ouvrir une porte, mais elle ne bâtira jamais un avenir durable.

L’urgence de rétablir nos chaînes de valeurs

Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous continuons à glorifier l’éphémère, soit nous réapprenons à honorer ce qui est noble, ce qui dure, ce qui inspire véritablement. Cela commence par une prise de conscience collective. Les vrais modèles sont ceux qui construisent, non ceux qui se contentent de briller. Les vraies figures de proue sont celles qui osent le sacrifice, pas celles qui empruntent le chemin de la facilité.

Alors, que choisirons-nous ? Une gloire creuse ou une reconstruction sincère ? Une illusion ou une inspiration ? Nous avons le pouvoir de renverser cette loi de l’arrogance et de redonner ses lettres de noblesse au mérite. La tâche est immense, mais l’histoire nous rappelle que les grandes transformations naissent toujours dans l’adversité.

Haïti, il est temps de réécrire tes règles.

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