
Sommes-nous condamnés à l’échec ? Une introspection nécessaire
Il est difficile de contenir ma frustration face à l’état d’indifférence totale dans lequel sombre notre société. J’en viens à une triste conclusion : nous sommes devenus des nuls. Oui, des nuls ! Non pas parce que nous manquons de potentiel ou d’intelligence, mais parce que nous avons trahi notre propre mission : transformer notre société.
Nous avons été formés, instruits, éduqués, mais qu’avons-nous accompli ? Si notre formation ne nous a pas permis de bâtir une société équitable et prospère, alors nous avons échoué. La nullité se mesure ici dans notre incapacité collective à assumer nos responsabilités et à relever les défis qui nous entourent.
La police est nulle. Comment peut-on concevoir qu’elle ne parvienne pas à contenir des bandits, souvent sans formation, qui sèment la terreur ?
Les universitaires sont nuls. Ils n’ont pas su s’unir pour éveiller les consciences, pour créer des disciples capables de prolonger une vision et de poser les bases d’un renouveau.
La jeunesse est nulle. Elle s’égare dans une quête stérile de distraction, au lieu de concevoir des alternatives audacieuses pour surmonter ses défis.
Les politiciens sont nuls. Incapables de forger une identité nationale et internationale forte, ils trahissent l’idéal d’indépendance et d’autonomie.
Notre société est devenue une arène où chacun rivalise d’intelligence pour critiquer autrui. Nous disséquons les erreurs des autres, commentons l’actualité internationale avec arrogance, mais nous refusons obstinément de nous regarder dans le miroir. Cette absence d’autocritique, ce déni de notre propre médiocrité, est notre plus grande tragédie. Sommes-nous devenus des morts-vivants, errant en attendant notre propre enterrement ?
De héros à spectateurs du désastre
Le plus cruel dans ce constat est que nous avions pourtant si bien commencé. Haïti, premier pays à briser les chaînes de l’esclavage, avait donné au monde une leçon d’humanité, de courage et de dignité. Nous étions un exemple, un phare pour les nations opprimées. Mais où est passée cette conscience de notre force ? Cet héritage glorieux est aujourd’hui un souvenir lointain, relégué à une fierté vide de substance.
On aime à dire : « L’avenir dira le reste. » Mais quel avenir ? Peut-on espérer un futur radieux si nous refusons d’apprendre de notre passé et de confronter notre présent ? Ce travail d’introspection incombe à chacun d’entre nous. Et si l’avenir est sombre, n’est-ce pas parce que nous avons nous-mêmes éteint la lumière ?
Un appel à l’éveil collectif
Aujourd’hui, certains parmi nous rêvent d’appartenir à une autre nationalité. Je ne les juge pas. Après tout, il est difficile de rester attaché à une patrie qui semble avoir renoncé à elle-même. Mais cette fuite mentale ou physique n’est pas une solution. Le véritable courage est de rester et de se battre pour redéfinir nos perspectives.
Regardons l’image : nous sommes jeunes, en pleine possession de nos forces, avec un accès inégalé à la technologie et à l’information. Nous avons tout pour réussir, et pourtant, nous nous complaisons dans une paralysie collective. Oui, l’heure est grave. Mais l’histoire nous a appris que les crises portent en elles les germes de la transformation.
Il est temps de réveiller cette conscience. De transformer cette frustration en action. De renouer avec notre identité profonde, celle d’un peuple libre et audacieux. Si nous ne le faisons pas, alors oui, nous deviendrons les derniers, là où nous étions les premiers.
Haïti ne peut plus attendre. Le réveil est impératif. Le sursaut est vital. Ensemble, nous pouvons et devons redéfinir notre destinée.