
Le ciel s’assombrit au-dessus du HMI (Haitian Music Industry), non pas à cause d’un déclin artistique, mais d’une guerre froide qui, aujourd’hui, explose au grand jour. Ce n’est pas une querelle de ruelle. C’est une tension sous haute pression entre trois poids lourds de la musique haïtienne : T-Vice, KLASS et Kreyòl La. Et les protagonistes sont loin d’être des figurants. Il s’agit de Roberto Martino, Maestro Richie, et T-Jo Zenny, des noms synonymes de prestige, de passion, mais aussi désormais de discorde.
GENÈSE D’UNE BATAILLE SILENCIEUSE
Tout aurait commencé il y a plusieurs années, à la suite de révélations chocs de Reynaldo Martino, patriarche du groupe T-Vice, affirmant que KLASS aurait été victime d’un boycott organisé, subtilement, mais méthodiquement. La cause ? Une perception persistante : dans les programmations à deux groupes, celui qui joue en dernier vole toujours la vedette. Et lorsque KLASS partageait la scène avec d’autres géants, les projecteurs semblaient, par habitude ou stratégie, les illuminer à la fin. Cette dynamique aurait provoqué des tensions internes… et externes.
Un soir, alors que T-Vice devait monter sur scène, Sergot, alors membre de KLASS (aujourd’hui chez ZAFEM), aurait confronté Reynaldo en coulisses. Il l’aurait accusé de ces manœuvres sournoises et averti qu’il n’allait pas laisser passer cette stratégie “classique”. Reynaldo, piqué au vif, se serait juré de montrer que personne ne lui dicte le tempo. Et selon ses propres mots :
« À 3h du matin, KLASS n’avait même pas encore résolu son problème de son… pendant que moi, j’étais pieds en l’air dans ma chambre d’hôtel. »
UNE BLESSURE QUI NE GUÉRIT PAS
Maestro Richie, fondateur et cerveau musical de KLASS, n’aurait jamais digéré cet épisode. Depuis, une fracture invisible mais profonde sépare les deux entités. Et elle s’est creusée encore davantage récemment. Lors d’une interview percutante, Roberto Martino a confié que les relations sont désormais quasiment rompues entre lui, Richie, et Pipo (chanteur vedette de KLASS). Ils ne se saluent même plus, a-t-il avoué.
Les propos de Roberto, à la fois directs et amers, ont forcé Maestro Richie à sortir du silence. Dans une vidéo devenue virale, il a exposé sa version des faits, contestant certains récits, dénonçant des manipulations, et allant jusqu’à parler de complot contre KLASS. Un mot lourd de conséquences, qui résonne avec gravité dans l’arène du HMI.
Mais Richie ne s’est pas arrêté là. Il a également pointé du doigt T-Jo Zenny, leader de Kreyòl La, pour des propos tenus dans le passé, qu’il juge irrespectueux et destructeurs. Réponse immédiate du concerné : T-Jo sort une vidéo enflammée, calmement incisive, pour remettre les pendules à l’heure.
« Je ne suis l’esclave de la programmation de personne », martèle-t-il.
« Le partage doit être équitable. Tantôt l’un, tantôt l’autre joue en dernier. C’est une question de respect mutuel, pas de hiérarchie. »
NU LOOK DANS LA LIGNE DE MIRE
L’escalade atteint un nouveau sommet lorsque Maestro Richie déclare sous serment :
« KLASS et NU LOOK ne joueront plus jamais ensemble sur la même affiche. »
Un serment lourd de sens. Car NU LOOK tout comme KLASS est considéré comme l’un des deux mastodontes actuels du HMI, toujours plébiscité pour jouer en dernier, ce qui confère une image de “gagnant” dans chaque soirée.
RÉFLEXION : UN CLIMAT TENDU, UN MARCHÉ FRAGILISÉ
Aujourd’hui, au-delà des ego et des vidéos en série, c’est la structure même du HMI qui vacille. Le public observe, les promoteurs s’inquiètent, et les autres groupes émergents ou en consolidation regardent cette faille comme une opportunité historique. Si KLASS est véritablement la cible d’un système, alors le jeu est faussé, et cela pourrait redistribuer les cartes du pouvoir musical haïtien.
Mais si tout cela n’est qu’un enchevêtrement de ressentiments, de non-dits et de quiproquos amplifiés par les réseaux sociaux, alors c’est l’image du HMI tout entier qui en sort ternie.
CONCLUSION : LA MUSIQUE DOIT-ELLE SE JOUER EN SILENCE ?
Cette affaire met en lumière les enjeux cachés derrière les projecteurs : la gestion des tournées, le placement sur les flyers, l’ordre de passage, l’équité sonore, la reconnaissance, l’ego, le prestige. Des éléments invisibles au public, mais qui décident de qui brille… et de qui s’éteint.
Le HMI, riche, vibrant, passionné, ne mérite pas un combat de coqs. Il mérite une scène partagée avec grandeur, humilité et professionnalisme. Que l’on joue en premier ou en dernier, ce qui compte, c’est de jouer juste.