Après plus que II siècles, la république d’Haïti est classée selon les institutions internationales comme le Pays le plus pauvres en Amérique et l’un des Pays les plus pauvre du monde. Elle est aussi classée parmi les pays les plus inégalitaires. La majorité de la population Haïtienne vivent dans la pauvreté et l’extrême pauvreté.
Dans le document collectif, l’avenir de la lutte contre la pauvreté en Haïti, Oscar Fernandez Taranco dit : « il y a évidemment plusieurs définitions de la pauvreté. Il y a la pauvreté humaine qui est de ne pas savoir lire et écrire ou de ne pas être correctement nourri ; tout comme il y a la pauvreté monétaire caractérisée par le manque de revenus adéquat pour engager des dépenses. Il y a la pauvreté extrême qui est l’incapacité de satisfaire les besoins alimentaires essentiels et la pauvreté générale qui est l’incapacité de satisfaire les besoins alimentaires et non alimentaire relatifs, c’est-à-dire au-dessous des seuils des revenus considérés comme moyen. Il y a enfin la pauvreté absolue, mesurée par le fait que les gens possèdent moins d’un dollar par jour » (TARANCO, 199 : 51). Donc, Haïti est un pays qui a la pauvreté et l’extrême pauvreté.
En effet, après l’indépendance, Haïti est divisé en mulâtres et noirs. Sans oublier ces deux modes de vie : urbain et rural. Ce qui donne une société devisée. Où une catégorie est marginalisée, mal orientée, vulnérables et exploitables. Bref, cette division est la base d’un ensemble de problèmes socio-économiques et culturels qui bouleversent la société depuis longtemps. Par contre, l’Etat comme le régulateur de l’ordre social, ne fait rien pour résoudre le problème de cette disparité. C’est à dire, donner une certaine justice sociale à la majorité misérable du Pays. La constitution de 1987 reconnait qu’Haïti est divisé en département, arrondissement, commune… Ce qui décentralise la gouvernance de l’Etat. Mais, cela reste sur le papier. Car, dans les faits la majorité de la population n’ont pas d’accès à un ensemble de services sociaux de base comme la santé, l’éducation, l’eau potable, les loisirs pour ne citer que ceux-là. Les Haïtiens qui vivent en milieu rural sont beaucoup plus vulnérables.
Les autorités du pays ne font pas assez pour ne pas dire rien, dans le but d’améliorer les conditions de vie de la population qui vit dans la pauvreté et l’extrême pauvreté. Elles n’ont pas de politiques publiques pour réduire l’écart énorme existant entre les différentes strates de la société, la pauvreté reste endémique. « Avec une population estimée à 12 millions d’habitants, mentionne le Programme Alimentaire Mondial(PAM), Haïti est le pays le plus peuplé de la région des Caraïbes ; 42 pour cent des habitants vivent dans des zones rurales, où la pauvreté est très répandue. La population est jeune : 43 pour cent des haïtiens ont moins de 18 ans, tandis que 6 pour cent ont plus de 65 ans. Les femmes en situation d’extrême pauvreté sont plus nombreuses que les hommes, et une majorité d’entr’elles vivent en milieu rural. Deux tiers de la population rural sont tributaires de l’agriculture, et les femmes constituent la majorité de la main-d’œuvre agricole, quels que soient les travaux considérés » (2023 : 3). Néanmoins, cela fait des années depuis qu’on parle sur le plan national et international du Développement d’Haïti. Mais, rien n’est fait en terme d’action. Entre-temps, les membres de la population continuent de végéter dans la pauvreté et l’extrême pauvreté.
Que doivent faire pour lutter contre la pauvreté de masse en Haïti? Selon les données du PAM (Programme Alimentaire Mondial) 7,8 millions d’habitants soit 68% de la population sont incapables de manger à leur faim. Un Pays où la nourriture devient un luxe. Il est important de souligner que « l’insécurité alimentaire est liée à la pauvreté, à l’inflation et une forte dépendance à l’égard des marchés internationaux » (ibid. : 5). D’un autre côté, les services de base comme la santé, l’éducation, l’eau potable, l’électricité deviennent de plus en plus rare dans les villes, encore pire à la campagne. Cependant, on doit dire que la situation que nous décrivons, ne date pas d’hier, elle est ancienne, elle est la résultante de mauvaise gouvernance pratiquée par celles et ceux qui ont eu à diriger le pays. Ce qui fait qu’on doit prendre conscient de notre état misérable aux yeux du monde comme la première république noire et le deuxième Etat indépendant en Amérique pour sortir de l’ornière.
Aujourd’hui, certains Pays sous-développés du continent Africain comme Haïti, arrivent à répondre à un ensemble de besoins que font face leurs populations à travers le Développement Communautaire. Les autorités Haïtiennes doivent l’utiliser également comme pratique pour lutter contre la pauvreté dans les communautés du Pays. En 1990, l’Etat Haïtien a pris la décision de créer le Fond d’Assistance Economique et Sociale(FAES) en vue d’aider la population la plus défavorisée du Pays. Par contre, cette institution publique ne répond pas à sa mission. Non seulement, elle est considérée comme une vache à lait pour les politicards Haïtiens mais également, ses programmes n’atterrissent pas. C’est-à-dire, les communautés les plus pauvres du pays, ne sont pas les principales bénéficiaires. Parce que, les méthodes utilisées le plus souvent, ne peuvent pas donner de résultats à savoir l’amélioration de la situation des communautés les plus vulnérables. Car, « Le Développement Communautaire dit Nolex FONTIL, répond spécifiquement à un besoin socio-économiques des catégories défavorisées de la population. C’est une spécificité du développement local qui offre des possibilités aux couches désavantagées sur un territoire d’entreprendre et de participer à des activités en vue d’améliorer leurs conditions socio-économiques » (2009 : 18). Une communauté fait face à un problème social ou un besoin collectif, elle doit être au centre de la recherche des solutions. Autrement dit, le Développement Communautaire exige les membres d’une communauté à se mettre ensemble, à s’impliquer pour trouver des solutions aux problèmes qu’ils font face. Ce qui demande la participation de toutes les couches de la communauté concernée. C’est la raison pour laquelle en matière de Développement Communautaire, on ne peut pas le faire POUR la communauté mais, AVEC la communauté.
En Haïti, les besoins collectifs et les problèmes sociaux sont nombreux. Que ce soit en milieu urbain et rural. Ce qui fait que nous devons considérer le Développement Communautaire comme une alternative pour améliorer les conditions de vie de la population haïtienne dans les communautés défavorisées. Selon Joyal André, cité par Fontil « le Développement Communautaire conduit à ce qu’il appelle «économie sociale ou alternative » qui se veut un processus de développement appuyé sur « la gestion collective, la recherche de la rentabilité sans objectif d’enrichissements » mais dont la production répond aux vrais besoins de la communauté » (ibid. : 19). Le développement communautaire encourage le vivre ensemble, une sorte de collectivisme. D’ailleurs, la république d’Haïti est le fruit d’une action collective.
Comme disent Thierry Casséus et Félix Payen : « la société haïtienne est le produit d’une collaboration orchestrée par des leaders aguerris qui ont su mettre en place des stratégies appropriées en vue de trouver des solutions collectives à une situation historiquement marquée par la servitude et la discrimination»(2013). Ce qui montre qu’Haïti est le résultat d’une bataille collective. Et, cette vie collective va continuer même après la naissance d’Haïti. « Au lendemain de l’indépendance (1804), on a assisté dans le monde rural haïtien au développement de formes de solidarité et d’entraide diverses telles que les « konbit» et les «eskwad». Appelé encore «corvée », le konbit est un travail agricole collectif réunissant 40 à 50 personnes qui contribuent gratuitement au travail sur l’exploitation paysanne et qui sont gratifiées d’un repas plus copieux qu’à l’ordinaire et arrosé de clairin. L’escouade est formée d’une dizaine de cultivateur extérieur sur les terres de chacun des membres de l’association » (ibid.). Donc, nous voyons que la société haïtienne est habituée par le vivre ensemble.
En fin de compte, le développement communautaire peut contribuer à combattre la pauvreté dans les communautés vulnérables. Mais, les autorités du pays à travers les institutions Etatiques doivent s’impliquer dans cette démarche. Elles doivent encourager et financer des Organisations Communautaires de Base (OCB), des Organisations Locales populaires et crédibles dans des projets communautaires. Qui visent à construire des routes, écoles, centre de santé et autres. Il faut que l’engagement communautaire soit encouragé dans toutes les communautés du pays, surtout celles les plus défavorisées. Les membres de la population doivent et sont indispensable dans la recherche des solutions qui les concernent. Car, un problème collectif demande une solution collective. Il faut noter que l’objectif du développement communautaire est d’améliorer la situation de la population dans les communautés. Nous devons définir des projets de développement adaptés à la réalité du pays. En fin, la pauvreté et l’extrême pauvreté que fait face la population dans les communautés du pays, demandent une intervention urgente. D’où la nécessité du développement communautaire. Ce dernier doit être utilisé comme un instrument qui vise à améliorer la vie des habitants dans les communautés.
Isaac EDMÉ
Technicien en Développement Communautaire
isaacedme@gmail.com
Références bibliographiques
ANTONIN Arnold et al. (1999), l’avenir de la lutte contre la pauvreté en Haïti, Port-au-Prince, Centre Pétion-Bolivar.
CASSEUS Thierry et PAYAN Félix. (2013), l’action communautaire en Haïti : enjeux et perspectives, la revue de l’ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. 138(1) ,72-82.
FONTIL Nolex. (2009), Projet de développement communautaire en Haïti : méthodologie d’analyse des besoins locaux, Mémoire de master, Université Senghor.
Programme Alimentaire Mondial. (2023), plan de stratégique de pays-Haïti (2024-2028), Rome, conseil d’administration, en ligne, https://executiveboard.wfp.org/fr, (consulté le 11 septembre 2024).