18 janvier 2025


Le renseignement est une pratique certainement aussi ancienne que la guerre. Il y a plus de 2500 ans, en Chine, Sun Tzu écrivait l’Art de la guerre, premier traité de stratégie militaire qui reste un classique encore aujourd’hui que : « la prévision ne vient ni des esprits ni des dieux, elle n’est ni tirée de l’analogie avec le passé ni le fruit de conjectures, elle provient uniquement des renseignements obtenus auprès de ceux qui connaissent la situation de l’adversaire ». Sun Tzu reconnaissait l’importance de posséder du renseignement précis et correct sur les intentions et les capacités de l’ennemi pour remporter la victoire. Durant l’Antiquité, puis au Moyen-Âge et à la Renaissance, l’importance de l’espionnage et du secret ne se fait pas démenti

Au fil du temps, l’activité des services de renseignement s’est professionnalisée et s’est affirmée comme support des exigences politiques et militaires, chaque État ayant la nécessité de recueillir des renseignements sur les activités des autres États, soit dans le but de défendre la sécurité intérieure et extérieure de l’État, contrecarrer les menaces de plus en plus diffuses, souterraines et disséminées que constituent non seulement l’espionnage traditionnel – renseignement militaire, politique ou économique – mais aussi influencer subrepticement la politique et les relations des autres États par des activités plus subtiles telles que la désinformation ou l’ingérence dans les affaires politiques, économiques et culturelles. Selon Robert Gates, ancien secrétaire à la Défense des États-Unis et ancien directeur de la CIA, ce rôle existe et se justifie par des questions de sécurité nationale, puisque les impératifs de sécurité nationale s’étendent non seulement à la défense du territoire, de la population et des ressources nationales, mais aussi à la préservation des capacités économiques de la nation.

Une équation à multiples variables

L’équation sécuritaire haïtienne est à multiples variables et inconnues. Un contexte géopolitique troublé, une situation intérieure marquée par la montée en puissance du terrorisme, ce qui a conduit à la restauration de l’état d’urgence d’où les citoyens qui n’en peuvent plus réclament l’instauration de la peine capitale pour crimes terroristes et aussi de ce que International Crisis Group appelle « les mafias des frontières ». Barons de la contre-bande transfrontalière, capables de faire jonction avec les réseaux terroristes dont ils assurent au moins en partie l’approvisionnement et la logistique, ils constituent l’autre menace à laquelle est confrontée Haïti. L’autre variable, non moins importante, c’est la transition politique et son cortège de transformations des institutions. Il s’agit d’un processus long qui aura de lourdes conséquences sur le plan sécuritaire et spécifiquement sur le plan du renseignement. Haïti est en guerre contre le terrorisme, contrainte de réorienter de manière significative le projet de réforme et de refondation de son système sécuritaire.

L’Urgence de Repenser le renseignement haïtien

Dans un monde en pleine mutation, en proie à la menace et l’engagement de la république voisine et la triade diplomatique dans la déstabilisation du pays doit brutalement faire prendre conscience des carences à la fois capacitaires et organisationnelles de notre dispositif de renseignement. Pour faire face aux défis du siècle, la création dans le Système de Sécurité Nationale d’un Conseil de Défense et de Sécurité Nationale (CDSN), d’un Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) ajoute à cela, la création de la Communauté nationale du renseignement, qui sera constituée de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI), de la Direction de la Sécurité intérieure (DSI), de l’Agence des Renseignements de la Défense, de la Direction des Renseignements de la PNH et la Cellule de renseignement financier de l’UCREF constitue une nécessité et aura pour tâche de répondre au besoin fondamental de la République de disposer d’une capacité autonome d’appréciation de situation. Pour ce faire, il ne s’agit pas simplement d’acquérir de nouvelles capacités, mais bien de bâtir une nouvelle architecture du renseignement efficace et dédiée à la complexité géopolitique dont a accouché le XXIème Siècle. S’inspirant en partie des modèles existant en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Russie ou en Israël, ces agences de renseignement répondront au souci, d’une part, de fournir en temps réel un renseignement à vocation décisionnelle politico-stratégique aux plus hautes autorités politiques habilitées et, d’autre part, opérationnelle au Chef d’état-major des armées ainsi qu’à nos forces engagées sur les théâtres, tout en anticipant et en participant à la planification. Par ailleurs, des objectifs et priorités clairs doivent être définis dans la Stratégie et dans le Plan national de Sécurité. Il s’agit d’un ensemble d’organes, de ressources et de procédures intégrés dans une structure permettant aux organes compétents de sécurité nationale d’évaluer les facteurs et les situations de menace, collecter et analyser des informations pour prendre des décisions liées aux situations de crise, ainsi que détecter les besoins et coordonner l’Administration Publique haïtienne.

Mieux outiller pour faire face à la déstabilisation

La première leçon que nous devons tirer dans ce monde devenu changeant est la complémentarité de l’origine du renseignement. Disposer tout à la fois de capacités de renseignement d’origine humaine (ROHUM), d’origine électromagnétique (ROEM) et d’origine image optique et radar (ROIM) est un impératif. En fonction des théâtres, seules certaines capacités peuvent être utilisées. D’où l’importance de disposer de l’ensemble du spectre des moyens d’acquisition. Les leçons du passé nous ont appris tellement de choses dont nous ne pouvons plus ignorer : la crise du Kosovo a mis en exergue le rôle crucial du renseignement spatial et aérien, tant pour la planification que pour la conduite des opérations ; la Libye et l’Afghanistan ont mis en évidence la nécessité du renseignement humain en complémentarité du renseignement technique ; la crise au Mali en 2013, enfin, a souligné l’importance du renseignement image qui a grandement facilité les opérations des forces spéciales déployées sur le terrain. Cette complémentarité est d’autant plus importante que les Agences des renseignements doivent être en mesure de s’adapter en permanence à des menaces de nature très différentes. Surtout, l’évolution des situations tactiques impose une boucle renseignement-opérations de plus en plus courte. Seule la combinaison des différents capteurs permet de passer de la détection à la localisation, puis de l’identification à l’action dans le meilleur tempo.
La deuxième grande leçon est la montée en puissance de la coopération en bonne intelligence des agences de renseignement des États. C’est une nécessité qui découle de contraintes budgétaires – qui obligent à une mutualisation de certaines capacités au coût élevé –, mais aussi d’une nécessité de collaboration plus étroite pour satisfaire à des missions.
La troisième leçon est le poids croissant du renseignement d’origine géospatial. La géographie militaire a, en effet, toujours contribué à l’élaboration du renseignement. On constate comme une réelle nécessité d’intégrer, de coordonner finement au moins ce renseignement d’origine géographique et les autres composantes du renseignement. Nous pouvons ajouter le recours aux drones pour acquérir le renseignement tant du niveau opératif que stratégique.

L’Agence des Renseignements de la Défense
De façon plus générale, le périmètre de l’Agence des Renseignements de la Défense sera celui du renseignement d’intérêt militaire (RIM). Il ne comprendra donc pas seulement le renseignement militaire, qui correspond grosso modo aux informations sur l’activité de l’adversaire, ses moyens, ses intentions, sa doctrine, etc. Il doit y inclut également le “renseignement d’environnement”. L’Agence des renseignements de la défense orientera donc ses capteurs sur l’ensemble des domaines de l’espace physique et humain de l’engagement des forces et de celui dans lesquelles elles sont appelées à évoluer. Le RIM couvre ainsi tout autant des thèmes géographiques (par pays, par zones de crise ou de conflit) que des thèmes à vocation transversale (prolifération, terrorisme, piraterie, trafic d’armes, …). Le champ d’application de l’Agence des renseignements de la défense sera par conséquent très large et nécessitera une collaboration étroite avec l’ensemble de la communauté du renseignement. Elle contribuera donc naturellement et fondamentalement au processus de ciblage. Sa connaissance des sites d’intérêt et des vulnérabilités d’adversaires potentiels orientera les décisions et permettra d’évaluer les conséquences d’opérations éventuelles. Ainsi, l’Agence sera en mesure d’offrir un éclairage dont ont besoin les autorités politiques et les chefs militaires pour prendre des décisions. Son champ d’action restera cependant résolument tourné vers l’opérationnel, de la prévention des crises à l’appui des opérations en cours et potentielles.

La Direction de la Sécurité Intérieure
Centrée sur la protection du territoire national, de la population et des infrastructures essentielles, la Direction de la Sécurité Intérieure agence autonome ou rattaché au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) doit être érigé au rang de priorité, avec un double volet, civil et militaire.
Sur le plan civil, la Direction de la sécurité intérieure doit être créé afin de remédier aux conséquences fâcheuses de dispersion des tâches entre les entités étatiques intervenant dans les questions de sécurité intérieure. Cette direction de la sécurité intérieure devrait avoir pour mission première la sécurité du territoire, notamment : (i) pour sécuriser les frontières, les transports, les ports et les infrastructures, (ii) pour synthétiser et analyser les renseignements relatifs à la sécurité intérieure provenant de sources multiples, (iii) pour coordonner les liaisons entre l’état et les administrations locales, avec les entreprises et avec le public en vue de la mise en place de dispositifs d’alerte et de plans de secours, (iv) pour les efforts de protection contre le bioterrorisme et les autres armes de destruction massive, (v) pour coordonner la formation des secours et leur mise en œuvre. Cet Agence comportera 4 divisions : une division chargée de la sécurité aux frontières et dans les transports, une division chargée de la préparation et de la mise en œuvre des plans d’urgence, une division spécialisée dans les contre-mesures chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires et une division en charge de l’analyse de renseignement et de la protection des infrastructures.
S’agissant du volet militaire, l’implication du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales en collaboration avec le Ministère de la Défense dans la Sécurité intérieure devrait se traduire à plusieurs niveaux. Tout d’abord, un commandement interarmées, doit voir le jour au Ministère de la Défense afin d’assurer la protection du territoire haïtien et la coordination avec les responsables civils qui en ont également la charge. Mais pour qu’il puisse exister, ce commandement interarmées, les Forces Armées d’Haïti doivent être opérationnelles dans toutes ses composantes, à savoir : Terrestre, Aérienne, Maritime et dans une certaine mesure cyber.
Le nouveau commandement coordonnera l’assistance militaire fournie aux autorités civiles nationales en cas de catastrophe naturelle ou technologique et en cas d’attaques par des armes de destruction massive. Il aura donc en charge des actions militaires (protection des infrastructures critiques, de l’espace aérien et des approches maritimes), tout autant que civilo-militaires (participation aux plans d’évacuation et aux secours aux populations, protection nucléaire, biologique, chimique ou radiologique). Il est appelé à constituer l’interlocuteur unique du bureau de la sécurité intérieure. Deuxièmement, cette réorganisation ouvrira la voie à une implication des forces armées dans les missions intérieures.

Des Capacités humaines et matérielles nécessaires
Pour fournir un renseignement utile, les Agences doivent pouvoir s’appuyer sur une large palette de capteurs de tous les domaines : Renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), Renseignement d’origine image (ROIM) : technologies terrestres, aériennes ou spatiales d’acquisition d’images ; Renseignement d’origine humaine (ROHUM), Renseignement de source ouverte (OSINT) : utilisation d’informations en accès libre ; Veille humaine (HUMINT) : recours à des agents, initiés, informateurs/ informatrices ; Veille automatique (SIGINT) : interception de systèmes de communication et émissions électroniques, entre autres ; Renseignement mesures et signature (MASINT) : données techniques et scientifiques obtenues par surveillance (nucléaire, optique, radiofréquence, acoustique, sismique). C’est le défi, et la richesse, du métier du renseignement. Le travail des Services de renseignements s’inscrit dans le cycle du renseignement, en quatre phases : orienter, rechercher, analyser, diffuser. Ce cycle se régénère en permanence. “Tête de chaîne”, l’agence des renseignements de la défense aura vocation à mettre en œuvre et donc à contrôler l’ensemble de ce cycle. Elle aura donc une vision à double focale lui permettant d’appréhender la vision globale et de se focaliser sur une zone prioritaire.
L’acquisition d’une vision globale provient des mécanismes d’anticipation et, dans une moindre mesure, de la prospective. Au niveau national, l’ambition doit être élevée car, il s’agit d’anticiper l’émergence de “nouvelles menaces” et de concourir à mettre en place les capacités d’y faire face. L’Agence des renseignements de la défense pour sa part sera l’un des acteurs de la veille stratégique permanente au même titre que les autres agences du pays. Un groupe d’anticipation stratégique qui se réunira deux fois par an pour fixer les axes d’efforts à 12 mois (planification opérationnelle et orientation du renseignement d’intérêt militaire) et une vision prospective à 24 mois et plus (planification opérationnelle, RIM et relations internationales). L’agence traduira ses orientations par des notes d’anticipation plus opérationnelle, tournée vers la prévention des crises et le soutien à la politique d’armement. Cette directive fixera les priorités opérationnelles en matière de RIM et précisera les besoins en renseignement du niveau stratégique.

L’architecture globale du renseignement haïtien doit évoluer
Contributeur essentiel de la fonction stratégique Connaissance et Anticipation, le Renseignement doit bénéficier d’efforts substantiels en termes d’équipements et de personnel. Si le renseignent jouit d’un environnement favorable en dépit d’un contexte budgétaire général contraint, elle doit néanmoins s’engager dans un processus de rationalisation de son organisation visant à la rendre plus performante. La reconstitution des armées et la nature polymorphe des menaces plaident en faveur d’une telle évolution. Alors même que le format des armées et les politiques au profit desquelles elles vont travailler est sur le point de changer en profondeur, que les doctrines en matière de renseignement à l’étranger ont fortement évolué, que les technologies dans le domaine du recueil et du traitement du renseignement ont connu un bouleversement complet ces dernières années. Conscient de ces enjeux, nous devons prendre des mesures pour explorer plusieurs voies qui permettront à nos agences de renseignement d’être plus efficace et plus efficiente. Quatre évolutions majeures guident notre réflexion sur les pistes envisagées.

La première est la création d’entités nouvelles, récentes et centrifuges mentionnés plus haut, qui seront à l’opposé de l’esprit originel qui a présidé à la mise sur pied des agences de renseignements haïtiens qui ont existé par le passé. Il importe donc d’améliorer ces chaînes d’information et d’instaurer de vraies relations “clients-fournisseurs”, aussi bien vers l’amont que vers l’aval de l’organisation. Cette meilleure synergie devrait être en mesure de pallier un défaut de réactivité dans notre capacité à servir en information nos “clients” et, au-delà de nos clients directs, une certaine lenteur à diffuser l’information utile aux forces de théâtre. C’est pourquoi il est crucial d’initier une réflexion de fond sur l’évolution et l’organisation des chaînes et du cycle de renseignement.

La deuxième évolution concerne la nécessité de combiner géographie et renseignement. La géographie militaire ne peut pas – et ne doit pas – être la simple mise à disposition de cartes et plans muets ou faiblement renseignés. En planification comme en conduite, les opérationnels sont demandeurs de cartes ou d’imageries satellitaires renseignées. Ce constat vaut également pour les autorités militaires et politiques pour qui l’analyse géospatiale est un facilitateur de prise de décision. Il importe donc de rétablir le lien étroit entre renseignement, géographie et opération. Le développement du targeting au moment des opérations dans les Balkans, conjugué à l’essor des systèmes d’information géographiques et de la géolocalisation, a donné naissance à la notion de renseignement géospatial. Elle autorise la réunion de la géographie et de la cartographie au sens traditionnel, de l’imagerie aérienne et satellitaire et du renseignement, le tout intégré dans des outils informatiques extrêmement puissants. L’idée sous-jacente à cette révolution du géospatial et de la géolocalisation est qu’une information, dès lors qu’elle est localisée, est plus riche de sens. Le lieu, exprimé sous forme de coordonnées géographiques et associé à de l’information, permet d’évaluer la fiabilité de cette même information, de la mettre en relation avec d’autres informations sur la base de leur localisation, de l’interpréter d’une façon plus efficace. Le travail de validation, de recoupement, d’interprétation et de contextualisation de l’information fait partie intégrante de la mission des agences de renseignement. Pour parvenir à bâtir une réelle capacité géospatiale haïtienne, il faut des investissements et de la collaboration entre les agences et organismes militaires en charge de la géographie.

La troisième évolution dont il faut tenir compte est caractérisée par les récentes innovations technologiques et organisationnelles. Elles incitent à rapprocher les agences d’autres unités militaires, notamment pour l’utilisation des drones et l’acquisition de ROHUM. Durant la dernière décennie, des mutations majeures dans le domaine du renseignement ont vu le jour. Le poids croissant du renseignement géospatial, l’émergence puis la généralisation du recours aux drones pour acquérir le renseignement de niveau opératif ou stratégique, enfin le rapprochement grandissant entre la recherche du renseignement et le développement des forces spéciales créant entre renseignement et opérations spéciales un continuum d’un genre nouveau. De manière plus générale, il reste encore à développer une véritable culture du renseignement chez nous.

La dernière évolution structurante concerne la gestion des ressources humaines. Les ressources humaines dévolues au renseignement un peu partout à travers le monde ont connu de fortes évolutions, marquées notamment par un recours croissant au personnel civil qui représente aujourd’hui une part significative des effectifs. La composante civile, par son expertise, est essentielle et structurante pour le renseignement car les civils servent plus longtemps aux renseignent que le personnel militaire (officiers et sous-officiers) dont l’affectation est d’une durée moyenne de trois ans. Les services des renseignements doivent avoir pour ambition de mieux se coordonner avec chacune des DRH des services d’autres institutions afin de satisfaire leur besoin propre en personnel qualifié et d’offrir aux individus des parcours de carrière cohérents et attractifs. Pour tout le personnel, civil comme militaire, les formations et qualifications doivent être mise à jour de façon constante.
Le renseignement est une arme au sens le plus noble du terme. Il n’a pas aujourd’hui le statut qui correspond à cette qualité. Il faut lui conférer, à part entière, ce statut. Cette décision répond à trois séries de considérations :
Tout d’abord : les enseignements de la guerre d’Irak nous conduisent à mieux cerner les besoins et à définir une doctrine ; ensuite, l’analyse de la gestion des conflits modernes et du nouveau contexte stratégique : elle montre que le renseignement est un instrument nécessaire et adapté aux contraintes auxquelles les États doivent désormais faire face. Enfin, un constat sur la situation particulière du renseignement en Haïti : une nouvelle politique doit répondre aux problèmes d’organisation et de gestion que pose aujourd’hui la question des renseignements car, la prise en compte du renseignement dans les processus de décision reste insuffisante. Elle doit être renforcée, devenir un fait naturel. À défaut, un décalage croissant pourrait se développer entre le renseignement et notre concept de défense.
L’extrême dépendance de notre information à l’égard des sources américaines est flagrante. Une réorientation de nos moyens nationaux permettra de la diminuer. La faiblesse de nos moyens propres du renseignement engagés ne nous permettra sur un théâtre mal connu, d’assurer de façon satisfaisante les trois fonctions essentielles du renseignement dans un tel cas : l’information nécessaire à l’interprétation des événements marquants de la crise ; l’analyse stratégique de situation préalable aux décisions d’engagement ; le renseignement militaire tactique. Sans les renseignements nous serons aveugles.
Il faut conforter sans cesse la professionnalisation de la filière et de garantir le contrôle de ses règles par une inspection générale du renseignement, commune à l’ensemble de la communauté du renseignement, hormis la Défense. Il faut qu’il y ait la possibilité d’un contrôle parlementaire applicable à la communauté du renseignement. Si les activités de renseignement exigent de la discrétion – bien évidemment ! – elles ont également besoin de la légitimité que procurent le contrôle démocratique et l’équilibre entre sécurité et libertés publiques.
J’ai voulu vous faire partager cette ambition pour le renseignement, qui devra être développer durant les dix ou quinze ans à venir afin de produire significativement des effets. Cet effort nous évitera de continuer à perdre insensiblement notre autonomie d’appréciation sur le monde qui nous entoure. Nous ne pouvons plus continuer à se résigner à un affaiblissement progressif de notre système de défense et de sécurité : sans un effort véritable et des sacrifices consentis, on ne tardera pas à s’apercevoir que la voie serait ouverte à un effondrement de notre pays.

Shizneider BAPTISTE
Spécialiste en Relations internationales
Analyste en Stratégie internationale sur des questions de Sécurité et défense
Président du Think Tank Intelligence Diplomatique et Stratégique – IDS
shizneider@gmail.com

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