Les membres du Conseil présidentiel de transition et le Premier ministre Conille Garry ont décliné l’invitation de la République dominicaine à participer à l’investiture du président Luis Abinader, qui sera investi pour un second mandat.
Les autorités haïtiennes ont décliné cette semaine l’invitation de la République dominicaine en vue de leur participation à l’investiture du président dominicain, Luis Abinader, le 16 août prochain, en raison de la fermeture de l’espace aérien entre Haïti et la République dominicaine. Rappelons que l’espace aérien entre les deux pays est fermé depuis plus de 6 mois, suite à des tensions croissantes entre les deux pays. À cela s’ajoute le soulèvement généralisé des groupes terroristes à Port-au-Prince, réunis sous le nom de « Viv Ansanm », qui complique la situation. Ces malfrats avaient attaqué des sites stratégiques de la capitale haïtienne, notamment l’aéroport international Toussaint Louverture. En raison de cette situation, toutes les lignes aériennes avaient annulé leurs vols durant plus de 3 mois. Pour évacuer les ressortissants étrangers du sol haïtien, seul un pont aérien a été mis en place par les autorités haïtiennes, dominicaines et autres, même si un calme apparent est observé depuis. Pour pouvoir se rendre de l’autre côté de la frontière haïtiano-dominicaine, les membres du Conseil présidentiel devraient se rendre à Miami, aux États-Unis, pour ensuite s’embarquer dans un avion en direction de Saint-Domingue, ce qu’ils jugent inconcevable, a précisé notre consœur Jacqueline Charles, du Miami Herald, qui a révélé l’information.
Une relation de voisinage pour le moins compliquée
Haïti et la République Dominicaine, deux États partageant l’île d’Hispaniola, entretiennent depuis le massacre de 1937 des relations pour le moins compliquées, et ces dernières années traversent l’une des crises les plus graves. Entre le racisme systémique en République dominicaine, l’affaire du canal d’irrigation sur la rivière Massacre, la République Dominicaine accentue ces derniers temps le renvoi de migrants haïtiens de l’autre côté de la frontière. Des opérations dénoncées en Haïti, mais aussi par la communauté internationale qui pointe du doigt des dérives violentes et racistes de Saint-Domingue. Le racisme installé et la ségrégation constatée au cours de ces dernières années entre les deux pays se sont vus renforcés par la décision 168 du Tribunal Constitutionnel Dominicain déclarant apatrides les Dominicains d’ascendance haïtienne, ainsi que par la loi 169/4. De même, ce tribunal a considéré comme inconstitutionnel l’instrument d’acceptation de la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
La violence des gangs, facteur aggravant
La violence des gangs dans le sud d’Haïti, et plus particulièrement dans la capitale, Port-au-Prince, a provoqué le déplacement interne de près de 200 000 personnes en 2023 – et de 100 000 autres entre février et mai 2024. Le 2 mars, lors d’une série d’attaques sans précédent par des groupes armés, plus de 3 000 détenus de la prison de la capitale ont été libérés. Les policiers qui gardaient les lieux n’ont pu repousser l’assaut et nombre d’entre eux ont fui face à l’imminence d’une attaque de l’établissement. Cette situation, couplée à plusieurs mois de violence intense, à l’attaque de l’aéroport international et aux manifestations agressives de chefs de gangs, a entraîné une augmentation considérable des flux migratoires vers la République voisine.
Le mur anti-haïtien, un argument électoral en République dominicaine
Durant la campagne présidentielle en République dominicaine, le mur a été plus que jamais un des symboles de la vie politique, dont une partie tourne autour des relations avec Haïti, pays avec lequel la République dominicaine partage l’île d’Hispaniola. Candidat à sa propre succession, le chef d’État réélu avait fait de la lutte contre l’immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, et la construction du mur est un des projets phares de son gouvernement. Il soutient que le vol de bétail ou de motos a chuté de 80 % dans certaines régions. Il assure que le mur protège l’emploi et le commerce dominicains. Et il promet qu’en cas de réélection, sa construction non seulement se poursuivra, mais sera étendue. Pedernales, située sur la côte sud du pays, est le point de départ de ce mur qui doit se dresser le long d’un peu moins de la moitié des 340 km de frontière. Cette barrière – une base en béton surmontée d’un grillage – dont la plus grande partie reste à terminer, sillonne le paysage reliant les postes-frontière officiels du sud au nord.
Toujours est-il que les deux nations sont condamnées à vivre ensemble. La détérioration de la situation en Haïti aura un impact de l’autre côté de l’île. Un récent rapport des Nations Unies révèle que des gangs haïtiens font appel à des trafiquants dominicains pour se procurer armes à feu et munitions, illustrant ainsi la relation complexe entre les deux pays voisins, sur fond d’histoire commune et de défis partagés. Au-delà des différences, les deux pays ont également en commun des défis environnementaux, sécuritaires ou migratoires qu’ils ont intérêt à résoudre ensemble.