
Le Mexique est secoué par une affaire inédite et complexe qui brouille la frontière entre justice et diplomatie. Alors que les États-Unis ont réussi à capturer l’un des criminels les plus recherchés de la planète, Ismael « El Mayo » Zambada, chef redouté du cartel de Sinaloa, une nouvelle tempête judiciaire se profile. Les procureurs mexicains, avec l’appui du président Andrés Manuel López Obrador, envisagent de porter des accusations de haute trahison contre ceux qui ont orchestré son extradition.
Tout commence en juillet, lorsque Zambada, à la surprise générale, débarque sur le sol américain à bord d’un avion privé qui atterrit près d’El Paso, au Texas. Ce vol, qui ressemble à une scène tirée d’un film, aurait été orchestré par Joaquín Guzmán López, le fils de l’ancien baron de la drogue Joaquín « El Chapo » Guzmán. Ce dernier, dans une tournure inattendue, aurait décidé de se rendre aux autorités américaines, mais pas avant d’avoir enlevé Zambada et de l’avoir forcé à embarquer avec lui.
Cependant, au lieu de saluer cette capture majeure qui pourrait potentiellement freiner le règne de terreur du cartel de Sinaloa, les autorités mexicaines ont réagi avec une fermeté surprenante. Le Bureau du Procureur Général du Mexique a rapidement ouvert une enquête criminelle pour des crimes tels que « fuite illégale, utilisation illicite d’aéroports, violations des lois sur l’immigration et les douanes, enlèvement, trahison, et tout autre crime applicable. »
Ce qui intrigue, c’est que ces accusations reposent sur une clause spécifique du code pénal mexicain, qui stipule que la trahison peut être commise par ceux qui « enlèvent illégalement une personne au Mexique afin de la livrer aux autorités d’un autre pays. » Une clause apparemment inspirée par un incident similaire en 1990, lorsque le médecin mexicain Humberto Machaín avait été enlevé pour être remis aux autorités américaines, ce qui avait provoqué une vive réaction de la part du gouvernement mexicain.
Pour le président López Obrador, cette affaire va au-delà du simple cadre judiciaire. Connu pour sa méfiance à l’égard de toute intervention étrangère, il a exprimé ses doutes quant à la politique américaine de détention des chefs de cartels, allant jusqu’à suggérer que cette affaire pourrait être un complot pour ternir l’image de son gouvernement en le liant aux barons de la drogue.
Dans une lettre rendue publique par l’avocat de Zambada, le chef du cartel raconte avoir été piégé. Il affirme avoir été invité à une réunion le 25 juillet avec des politiciens locaux, dont le gouverneur de l’État de Sinaloa, Rubén Rocha Moya. Mais au lieu de cela, il aurait été conduit dans une pièce, assommé, cagoulé, menotté, puis emmené de force à une piste d’atterrissage où il fut embarqué dans un avion à destination des États-Unis.
La carta difundida:
DECLARACIÓN DE ISMAEL ZAMBADA GARCÍA
Desde que me trajeron en avión a los Estados Unidos desde México el 25 de julio de 2024, ha habido muchos informes inexactos en los medios de comunicación de ambos países. En esta declaración proporcionaré los hechos verdaderos de lo que sucedió ese día. Deseo decir desde el principio que no me entregué y que no vine voluntariamente a Estados Unidos. Tampoco tenía ningún acuerdo con ninguno de los dos gobiernos. Al contrario, fui secuestrado y traído a Estados Unidos por la fuerza y contra mi voluntad. A continuación se detalla cómo ocurrió.
Joaquín Guzmán López me pidió que asistiera a una reunión para ayudar a resolver las diferencias entre los líderes políticos de nuestro estado. Estaba enterado de una disputa en curso entre Rubén Rocha Moya, Gobernador de Sinaloa, y Héctor Melesio Cuen Ojeda, ex diputado federal, alcalde de Culiacán y rector de la Universidad Autónoma de Sinaloa (UAS), sobre quién debería dirigir esa institución. Me informaron que además de Héctor Cuen y el gobernador Rocha Moya, también estaría presente en la reunión Iván Guzmán Salazar.
El 25 de julio, fui al rancho y centro de eventos llamado Huertos del Pedregal, en las afueras de Culiacán, donde iba a tener lugar la reunión. La reunión estaba programada para las 11:00 a.m. y llegué un poco antes. Vi a un gran número de hombres armados con uniformes militares verdes que supuse que eran pistoleros de Joaquín Guzmán y sus hermanos. Me acompañaban cuatro miembros del personal de seguridad, de los cuales dos se quedaron fuera del perímetro. Los dos que entraron conmigo eran José Rosario Heras López, comandante de la Policía Judicial del Estado de Sinaloa, y Rodolfo Chaidez, miembro de mi equipo de seguridad desde hacía mucho tiempo.
Mientras caminaba hacia la zona de reuniones, vi a Héctor Cuen y a uno de sus ayudantes. Les saludé brevemente antes de entrar en una sala en la que había una mesa llena de fruta. Vi a Joaquín Guzmán López, a quien conozco desde que era un niño, y me hizo un gesto para que le siguiera. Confiando en la naturaleza de la reunión y en las personas implicadas, le seguí sin dudarlo. Me condujeron a otra sala que estaba a oscuras.
En cuanto puse un pie dentro de aquella habitación, me tendieron una emboscada. Un grupo de hombres me asaltó, me tiró al suelo y me colocó una capucha de color oscuro en la cabeza. Me ataron y esposaron, y luego me obligaron a meterme en la caja de una camioneta. Durante todo este calvario, me sometieron a malos tratos físicos, que me causaron lesiones importantes en la espalda, la rodilla y las muñecas. Después me llevaron a una pista de aterrizaje a unos 20 o 25 minutos de distancia, donde me obligaron a subir a un avión privado. Joaquín me quitó la capucha de la cabeza y me ató con bridas al asiento. En el avión no había nadie más que Joaquín, el piloto y yo.
El vuelo duró entre 2 ½ y 3 horas, sin escalas, hasta que llegamos a El Paso, Texas. Fue allí, en la pista, donde los agentes federales estadounidenses me detuvieron. La idea de que me entregué o cooperé voluntariamente es completa e inequívocamente falsa. Me trajeron a este país por la fuerza y bajo coacción, sin mi consentimiento y contra mi voluntad.
Sé que la versión oficial que dan las autoridades del estado de Sinaloa es que Héctor Cuen fue tiroteado la noche del 25 de julio en una gasolinera por dos hombres en motocicleta que querían robar su camioneta. Eso no es lo que ocurrió. Lo mataron a la misma hora y en el mismo lugar donde me secuestraron. Héctor Cuen era amigo mío desde hacía mucho tiempo, y lamento profundamente su muerte, así como la desaparición de José Rosario Heras López y Rodolfo Chaidez, a quienes nadie ha vuelto a ver ni a saber de ellos.
Creo que es importante que se sepa la verdad. Esto es lo que ocurrió y no las historias falsas que están circulando. Hago un llamado a los gobiernos de México y Estados Unidos para que sean transparentes y proporcionen la verdad sobre mi secuestro en Estados Unidos y sobre las muertes de Héctor Cuen, Rosario Heras, Rodolfo Chaidez y cualquier otra persona que haya perdido la vida ese día.
También hago un llamado a los sinaloenses a la mesura y a mantener la paz en nuestro estado. Nada se resuelve con violencia. Ya hemos recorrido ese camino y todos perdemos.
-Ismael Mayo Zambada
DÉCLARATION D’ISMAEL ZAMBADA GARCÍA
Depuis mon transfert par avion aux États-Unis depuis le Mexique le 25 juillet 2024, de nombreux rapports inexacts ont circulé dans les médias des deux pays. Dans cette déclaration, je fournirai les faits véritables sur ce qui s’est passé ce jour-là. Je tiens à préciser dès le début que je ne me suis pas rendu et que je n’ai pas volontairement voyagé aux États-Unis. Je n’avais également aucun accord avec l’un ou l’autre des gouvernements. Au contraire, j’ai été enlevé et emmené de force aux États-Unis, contre ma volonté. Voici les détails de ce qui s’est réellement produit.
Joaquín Guzmán López m’a demandé d’assister à une réunion pour aider à résoudre les différends entre les dirigeants politiques de notre État. J’étais au courant d’un conflit en cours entre Rubén Rocha Moya, Gouverneur de Sinaloa, et Héctor Melesio Cuen Ojeda, ancien député fédéral, maire de Culiacán et recteur de l’Université autonome de Sinaloa (UAS), sur la question de savoir qui devait diriger cette institution. On m’avait informé qu’en plus de Héctor Cuen et du gouverneur Rocha Moya, Iván Guzmán Salazar serait également présent à la réunion.
Le 25 juillet, je me suis rendu au ranch et centre de conférences appelé Huertos del Pedregal, en périphérie de Culiacán, où la réunion devait avoir lieu. La réunion était prévue pour 11h00 et je suis arrivé un peu avant. J’ai vu un grand nombre d’hommes armés portant des uniformes militaires verts que j’ai supposé être des hommes de main de Joaquín Guzmán et de ses frères. J’étais accompagné de quatre membres de mon équipe de sécurité, dont deux sont restés à l’extérieur du périmètre. Les deux autres qui sont entrés avec moi étaient José Rosario Heras López, commandant de la Police Judiciaire de l’État de Sinaloa, et Rodolfo Chaidez, membre de longue date de mon équipe de sécurité.
En avançant vers la zone de réunion, j’ai aperçu Héctor Cuen et l’un de ses assistants. Je les ai brièvement salués avant d’entrer dans une salle où une table remplie de fruits était dressée. J’ai vu Joaquín Guzmán López, que je connais depuis son enfance, et il m’a fait signe de le suivre. Confiant dans la nature de la réunion et dans les personnes impliquées, je l’ai suivi sans hésiter. Ils m’ont conduit dans une autre salle qui était plongée dans l’obscurité.
Dès que j’ai mis le pied dans cette pièce, une embuscade m’a été tendue. Un groupe d’hommes m’a attaqué, m’a plaqué au sol et m’a placé une cagoule de couleur sombre sur la tête. Ils m’ont ligoté et menotté, puis m’ont forcé à monter dans la benne d’une camionnette. Pendant toute cette épreuve, j’ai été soumis à des mauvais traitements physiques qui m’ont causé des blessures importantes au dos, au genou et aux poignets. Ensuite, ils m’ont emmené sur une piste d’atterrissage située à environ 20 ou 25 minutes de là, où ils m’ont forcé à monter dans un avion privé. Joaquín m’a retiré la cagoule et m’a attaché au siège avec des colliers de serrage. Dans l’avion, il n’y avait que Joaquín, le pilote et moi-même.
Le vol a duré entre 2h30 et 3 heures, sans escale, jusqu’à notre arrivée à El Paso, au Texas. C’est là, sur la piste, que les agents fédéraux américains m’ont arrêté. L’idée que je me sois rendu ou que j’aie coopéré volontairement est complètement et indéniablement fausse. J’ai été amené dans ce pays par la force, sous contrainte, sans mon consentement et contre ma volonté.
Je sais que la version officielle donnée par les autorités de l’État de Sinaloa affirme que Héctor Cuen a été abattu dans la nuit du 25 juillet dans une station-service par deux hommes à moto qui voulaient voler son véhicule. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Il a été tué à la même heure et au même endroit où j’ai été enlevé. Héctor Cuen était un ami de longue date, et je regrette profondément sa mort, ainsi que la disparition de José Rosario Heras López et de Rodolfo Chaidez, dont personne n’a plus eu de nouvelles depuis.
Je pense qu’il est important que la vérité soit connue. Voici ce qui s’est réellement passé, et non les histoires fausses qui circulent. Je demande aux gouvernements du Mexique et des États-Unis de faire preuve de transparence et de révéler la vérité sur mon enlèvement aux États-Unis ainsi que sur les décès de Héctor Cuen, Rosario Heras, Rodolfo Chaidez et toute autre personne qui aurait perdu la vie ce jour-là.
Je fais également appel aux habitants de Sinaloa pour qu’ils fassent preuve de modération et qu’ils préservent la paix dans notre État. La violence ne résout rien. Nous avons déjà emprunté ce chemin, et nous en sortons tous perdants.
– Ismael Mayo Zambada
Cette lettre soulève de nombreuses questions sur les liens présumés entre certains politiciens et les trafiquants de drogue, notamment dans l’État de Sinaloa, fief du cartel du même nom. Le gouverneur Moya, membre du parti au pouvoir Morena, a nié toute implication, affirmant qu’il ne se trouvait pas à Sinaloa ce jour-là, mais à Los Angeles.
Alors que l’enquête s’intensifie, les yeux du monde sont rivés sur ce dossier qui pourrait non seulement bouleverser la lutte contre les cartels, mais aussi les relations diplomatiques entre le Mexique et les États-Unis.