
Vomissements, diarrhée aiguë, déshydratation, cas de dysenteries, typhoïde et choléra, sont des symptômes et maladies de plus en plus fréquents dans les centres de santé des communes et sections communales du Bas Artibonite depuis le début de l’année. Cette recrudescence inquiétante des maladies féco-orales traduit le quotidien d’une population ayant un accès très limité à l’eau potable, à l’assainissement et à des infrastructures sanitaires de base. Pendant que la propagation de ces maladies exacerbe, laissant la population exposée dans l’ignorance, les autorités de la Direction Sanitaire de l’Artibonite (DSA) demeurent silencieuses alors que les enfants, notamment les nouveau-nés, sont les plus affectés.

Le mercredi 17 juillet 2024, à Desdunes, une commune située à 150 km au nord de Port-au-Prince, Bartimé Philemond, officier de surveillance épidémiologique (OSE) de la région, a exprimé son inquiétude : « Les patients arrivent dans les centres de santé avec des douleurs abdominales sévères, des vomissements, de la diarrhée et de fortes transpirations. La plupart d’entre eux ignorent que ces symptômes résultent d’un manque d’hygiène. Beaucoup pensent qu’il s’agit de maladies féticheuses et préfèrent recourir à des traitements non appropriés, aggravant ainsi leur état de santé. Une vaste campagne de sensibilisation est indispensable pour éviter une catastrophe. », a-t-il déclaré.
À Duclos, une localité situe à 1.83 km de Desdunes, Marie, mère de trois enfants, se prépare à se rendre au centre de santé car son dernier-né, âgé de 2 ans, souffre de diarrhée pendant une journée entière : « Il n’a pas arrêté de pleurer depuis l’aube et cela s’est empiré au cours de la journée. Les gens m’ont dit que c’était à cause du gaz qu’il a tiré de moi durant son allaitement, mais avec la diarrhée et son visage pâle, je suis obligée de me rendre au centre de santé », a-t-elle déclaré d’une voix triste sous la galerie d’une cour poussiéreuse entourée d’une dizaine de voisinage.
À l’instar de Marie, de nombreuses familles des communes, sections communales et localités comme Grandes salines, Desdunes, Modèle, Drouin entre autres font face depuis plusieurs mois à des cas de fortes fièvres, de diarrhée, de typhoïde et de douleurs abdominales souvent non hospitalisés ou hospitalisés trop tardivement.
LES ENFANTS DE MOINS DE 5 ANS, LES PLUS GRANDS VICTIMES
Depuis le début de l’année, les cas des maladies féco-orales sont en nette progression dans le bas Artibonite. Selon les données fournies par le OSE et confirmées par les autorités sanitaires, entre janvier et juillet 2024, 64 enfants âgés de 1 à 5 ans ont été testés positifs à la typhoïde, dont 29 de sexe masculin et 35 de sexe féminin garçons. Pour les 5 à 14 ans, 49 cas ont été enregistrés (20 garçons et 29 filles), tandis que pour les 15 à 49 ans, 64 personnes (15 hommes et 47 femmes) ont été recensées. Les personnes de 50 ans et plus comptent 38 cas (11 hommes et 27 femmes). Les cas de dysenterie et de diarrhée aigüe déshydratante sont également alarmants, surtout chez les enfants de moins de 5 ans.
Tous ces patients sont testés positifs à la typhoïde, l’une des maladies féco-orales les plus en vogue dans la région. Pour les cas de dysenteries, dans le tableau des enfants âgé de moins de 5 ans, il y avait 9 enfants 4 garçons et 5 filles. Pour la diarrhée aigüe qui entraine de la déshydratation sévère, il y avait chez les enfants âgés de moins de 5 ans 38 cas parmi eux 14 garçons et 24 filles. En ce qui a trait au choléra, si les chiffres exacts ne sont pas encore disponibles, les responsables parlent de plus d’une dizaine de cas recensé.
Des centres de santé insuffisamment équipés

Le centre de santé Saint-Pierre de Desdunes, qui dessert six localités avoisinantes telles que Model, Duclos, Hâte Desdunes, Grand islet, Lagon, Aux Sources, est l’un des rares capables de gérer les urgences courantes. Cependant, Wansed Deneus, administrateur du centre, indique que les ressources sont limitées : « Nous avons un centre de traitement du choléra, mais il est insuffisant. Nous manquons de matériel et de personnel, ce qui limite notre capacité à accueillir les patients un peu plus longtemps. Nous avons l’habitude de travailler sur des cas sévères certes mais malheureusement nous sommes limités en personnels, intrants entre autres matériels appropriés ». A-t-il conclut.
Bartimé Philemond ajoute que si un patient se présente avec la typhoïde, la diarrhée entre autres symptômes plus ou moins courants, les centres de santé locaux ne peuvent fournir que des soins de base tels que les examens de laboratoire, et que les cas graves nécessitent des transferts vers des institutions mieux équipées.
Des personnalités locales et des membres d’organisations paysannes plaident pour une meilleure coordination des soins de santé et une dotation adéquate en matériel et personnel qualifié. L’insécurité due aux gangs armés entrave l’accès aux grands hôpitaux du département, exacerbant la crise sanitaire.
« Nous ne pouvons pas emprunter la route nationale pour nous rendre dans les autres centres hospitaliers du département à cause des gangs. Les centres de santé de nos sections n’ont pas de lits même pour 5 personnes. Les gens meurent de ces maladies mais leurs familles pensent que ce sont des attaques mystiques ». Se désole un paysan qui lui-même selon ses dires a failli perdre la vie à cause de la diarrhée.
L’ ASSAINISSENT, UN PROBLÈME MAJEUR POUR LES SECTIONS COMMUNALES
Les travaux d’assainissement sont quasi inexistants dans les communes visitées. L’absence de latrines contraint les habitants à déféquer à l’air libre, ce qui, avec le vent, contamine facilement les habitations et les cuisines. L’accès à l’eau potable demeure un défi majeur pour la population de cette région. Une intervention urgente de la direction sanitaire de l’Artibonite (DSA) et de la direction nationale d’eau potable et d’assainissement (DINEPA) s’avère plus que nécessaire.
Il est à rappeler que les maladies féco-orales sont transmises par des déchets, microbes ou autres objets transportés de la main à la bouche. Une fois arrivé à l’estomac au moyen de la salive, le corps commence alors à subir des malaises pouvant entraîner des complications graves et mortelles. Une intervention rapide et efficace de l’État dans les sections communales du Bas Artibonite est impérative afin de sauver des vies humaines.
John-Becker Jean
Jeanjohnbecker8@gmail.com